¿Quieres suscribirte al boletín semanal de Casa África?

8.8 ANNEXE 14 - MVET: 3.14.01b FR - LMG Mvet de Zwe Nguéma [01. Diversité points de vue (meyene)]
01. Diversité de points de vue (emam me eniŋ mənə məyənə abwi).
En chantant son mvət, le barde narre une histoire imaginaire ; il signale des lieux qui probablement jamais ont existé ; d'autres, qui sont proches de ceux qu'on connaît ou sont tirés de la cosmogonie fang-beti-bulu ; il décrit des situations ; il fait parler à ses personnages ; il s'adresse à son auditoire, l'invite à l'écouter avec attention, l’exhorte à faire un effort pour imaginer ce qu'il raconte et de tant en tant lui-même introduit une opinion personnelle, un bref commentaire, sur ce que les héros qu'il est en train de créer font ou disent. C'est ainsi que Zwè Nguéma introduit dans son mvət et à plusieurs reprises le commentaire suivant: «Les choses de la vie peuvent être vues de plusieurs manières» (emam me eniŋ mənə məyənə abwi) ou en rendant ce principe plus concret il précise : «Les femmes sont belles de plusieurs manières». Il est probable que ce principe appartienne au savoir populaire du peuple fang-beti-bulu mais dans ce récit le barde le rappelle plusieurs fois et, à notre avis, d'une façon très intentionnée afin que son récit puisse être interprété de plusieurs façons. Ce principe cherche à justifier en quelque sorte ses demi-paroles, ses ambivalences, ses contradictions, le sens cachée de ses métaphores, ses suggestions... Le barde en effet semble vouloir confondre son auditoire en parlant des morts dans un pays censé être celui des immortels ; en faisant croire qu'il raconte une histoire imaginaire lorsqu'en fait il se propose se rapporter à une histoire bien réelle; il peint les personnages de son récit comme des héros d'autrefois lorsqu'en fait il les fait agir en antihéros, c’est-à-dire en êtres très réels, peut-être d’aujourd’hui; il met son auditoire en contact avec une société comme la sienne avec des clans et lignages, des dotes et tambours d'appel.... pour dire d'une forme lyrique et énigmatique que la forme de gouvernance que propose cette société-là est celle propre d'une société venue d'ailleurs qui exerce un pouvoir absolu et nie les liens de parenté et d'alliance... En répétant ce principe le barde donne la clef pour comprendre son mvət: les choses de la vie peuvent en effet être comprises de différents points de vue... Il en est ainsi pour les récits du mvət.
Mais il y aussi le point de vue de l'auditoire. Impossible de le cerner, aujourd'hui. Nous pouvons seulement prendre en considération les quelques réactions suscitées par le récit du barde et que les éditeurs ont eu le soin de noter. On peut aussi prendre en considération les façons de dire, de penser et d'agir de la société fang-beti a l'époque que le barde produit son mvət et son auditoire l'écoute.
Mais il y a aussi, enfin, l’interprétation et l'usage qu'on peut en faire après, quelques années après de sa production et les développements aux quels des récits de ce genre peuvent avoir lieu. Le texte – car en ce moment il nous reste que le texte grâce à l'écriture et d'autres techniques d'enregistrement – peut prendre des autres allures, politiques, par exemple, de réaffirmation nationale (de la nation fang, per exemple), en transformant des «invencibles» en «immortels» ; en créant un nouveau concept d'immortalité et en l'attribuant à une culture qui pensait cette idée en lui donnant un autre contenu; en faisant de ces récits imaginaires des documents pour l'histoire...; en transformant des récits merveilleux en histoires épiques; en faisant des héros des personnages qui jouaient le statut d'anti-héros ...
C'est peut-être ces différents points de vue, seuls ou mis en rapport les uns avec les autres, que cet mvət peut prendre un sens (ou plusieurs sens).