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421 Ovëng
Genre VIII classes nominales 11 / 5 (o / a)
Identifications proposées: Guibourtia tessmannii, Césalpiniacées (PLT, HK, PJC, LM, WS)
Localisation: l’arbre ovëń pousse dans la forêt à l’état isolé.
Description locale: c’est l’un des plus grands arbres de la forêt ou, en tout cas, le plus prestigieux. Il a des gros contreforts. Son bois est coloré (rouge-brun). C’est un arbre akil bien que la consistance de sa sève ressemble plutôt à celle du vin de palme. L’ovëń est le “premier” (nnom ele) de tous les arbres ou l’arbre “mâle”, le plus “noble”(ntomba ele), le “chef” (nkukuma bile bisë), celui qui commande (adzoe bile bisë) tous les arbres de la forêt (adzoe bile bisë ya afan).
Utilisation thérapeutique: les Evuzok affirment que l’ovëń guérit toutes les maladies (anë mébala mësë). En fait, on ne s’en sert pas toujours, bien qu’il soit utilisé dans le traitement de plusieurs maladies: la grosse rate chez les adultes (tsid), le pian (mëbada), les affections hépatiques (esëg), la syphilis (kòòdò), le rhumatisme (akań), la stérilité chez la femme, soit lorsqu’elle est attribuée à l’action du ver du bas ventre, soit lorsqu’elle est due à la transgression de l’interdit qui défend les rapports sexuels avant le sevrage de l’enfant (edzawòs), la blennorragie simple (mënyòlòg) ou chronique (mbamba), le hydramnios (edib), etc. D’après COUSTEIX, on se sert aussi de cet arbre pour prévenir les fausses couches et pour soigner la lèpre. L’arbre ovëń est utilisé seul ou mélangé avec d’autres plantes. En général, on fait bouillir ses écorces et le liquide de la décoction est administré per os, sous forme de lavements internes (purges) ou externes (lavements vaginaux, bains de siège...)
Utilisation rituelle: l’ovëń joue un rôle très important dans les rites en rapport avec l’evu. Et tout d’abord dans ceux destinés à façonner (koman evu) ce principe chez les enfants (▼= ebëdëga / Annexe 5, ebug / entrée : mvalan evu… : 1.03.01./09 : 1,02,02./04) . En parlant des Fang, LAVIGNOTTE signalait en 1936 que lors de ce rite de façonnage de l’evu, on plongeait l’enfant nu dans une sorte de baignoire préparée avec quelques troncs de bananier et dans laquelle on déposait des écorces de certains végétaux dont celles de l’arbre ovëń. Les écorces de cet arbre, disait-il, symbolisent et doivent donner le prestige et la richesse à l’enfant. Les paroles prononcées à l’égard de l’enfant étaient significatives. “gloire, richesses, courage, enfanter et multiplier”. Les témoignages recueillis chez les Evuzok rendent compte également du rôle de cet arbre dans le cadre de ce même rituel (▼= ebëdëga / Annexe 5, ebug / entrée : mvalan evu… : 1.03.02./08):
a. Pour façonner l’evu de richesses:
L’ovéń est un arbre qui donne des richesses aux hommes. Quand quelqu’un veut façonner l’evu de son enfant, il appelle son frère, et lui donne l’enfant. C’est lui qui façonnera l’evu de cet enfant. On s’en va au pied de l’arbre ovëń. On prépare un gâteau de pâte aux graines de courge. L’enfant le mange. Après, à coups de pierre, on enlève quelques écorces de l’arbre ovëń. On ne prend que les écorces qui tombent sur le dos. On s’en va puiser de l’eau dans une chute. On ne prend pas l’eau du cours de la rivière, mais l’eau qui tombe d’une chute et qui fait de bruit. C’est avec celle-ci que l’enfant deviendra célèbre. On vient avec l’eau et les écorces. On les fait bouillir au feu. L’enfant prend un lavement De grand matin, l’enfant s’en va à la selle, non à la rivière (comme d’habitude) mais dans la forêt. Si la selle est abondante, on saura que l’enfant deviendra riche. Dans le cas contraire, l’enfant avertira son père. On retourne alors dans la brousse. On recommence.
Lorsque tu as mis au monde un enfant mâle si tu veux qu’il soit ton héritier, tu pars alors chez le frère de ta femme et tu lui dis: - “Façonne-moi l’enfant”. Il te demandera: - “Quel evu veux-tu que je lui éveille, est-ce l’evu qui va à mgbël (celui qui fait de la sorcellerie pendant la nuit)?, est-ce l’evu de prospérité?”. Tu lui répondras – “Je veux que tu lui éveilles l’evu de prospérité afin qu’il reste (après ma mort), construise un village et fonde une famille nombreuse...”
Alors il part chercher le nid du passereau nkëkëń. Il revient avec. Il entre [dans la maison]. Puis il part faire la pêche à la ligne pour prendre le poisson mvòń. Il revient avec. Puis, il part chercher l’arbre tòmbò [450]. Il enlève quelques plaques d’écorce. Il revient à la maison. Puis, il part chercher la plante sòdò [440] pour que les richesses soient durables dans les mains de l’enfant. Il entre à nouveau dans
la maison. Puis, il part chercher la plante ngulkun [328] afin que son village soit florissant. Il entre dans la maison. Il part encore prendre la plante fëb [236] afin que toutes les richesses du pays affluent dans son village.
Après qu’il a fini de réunir toutes ces choses, alors il les prépare dans un gâteau aux pépins de courge.
On administre une purge à l’enfant. Après quoi, on s’en va avec lui au pied de l’arbre ovëń. L’enfant s’assoit par terre tandis que le frère de ta femme, s’adresse à l’arbre en lui disant: - “Lorsque ce fils de notre soeur voudra construire un village, le village qu’il construira s’étendra par la force de ses mains. Arbre ovëń...! de la même façon que personne ne peut t’arracher du sol, ainsi personne ne pourra anéantir son village. Des richesses viendront de tous les côtés...” L’enfant mange le gâteau aux pépins de courge. Après on lui donne l’interdiction suivante: “L’evu qu’on vient de t’éveiller ne doit pas aller à mgbël, si tu y vas, tu mourras!. Tu as un evu qui te commande de faire ceci: tu aimeras et tu donneras de la nourriture aux gens.... !”
b. Pour façonner l’evu de parole et de commandement:
« Au temps de nos pères, ici, chez les Evuzok, ce n’était pas tout le monde qui parlait [publiquement]. En ce temps-là, les plus vieux du pays disaient ceci: - “L’enfant, fils d’un tel, nous allons le façonner afin qu’il soit un chef capable de gouverner et conseiller le pays”. Les anciens le conduisent au pied de l’arbre ovëń. L’enfant s’assied. On enlève quelques écorces à coups de pierre. On lui donne un lavement. L’enfant va à la selle. On lui dit alors: - “Quand tu te lèveras au milieu d’une assemblée, tu seras, aux yeux de tout le monde, le seul (à être écouté) car il n’y a pas deux ovëń dans une même montagne. Par ta parole les procès seront tranchés. Ta parole sera décisive. Tu seras comme cet ovëń-ci. Lorsque tu prendras la parole dans la cour pour juger une affaire, si quelqu’un ose passer derrière toi, il emportera avec lui ta malédiction...”
c. Pour façonner l’evu de fécondité:
Lorsqu’un enfant parvient à l’âge de trois ans, un jour son père lui dit d’aller à sa plantation pour y chercher telle ou telle chose qu’il dit avoir oublié. Dans la plantation, l’enfant rencontre celui dont le père a chargé de façonner l’evu. Il prend l’enfant et l’amène jusqu’au pied d’un ovëń. En arrivant à cet endroit, il le laisse sur le sol et fait neuf fois le tour de cet arbre. Puis, il prépare une médecine avec ses écorces et l’administre à l’enfant en lui disant ceci: - “Tu deviendras aussi grand que cet oveń...! Tu enfanteras comme une grenouille...! Ta descendance sera très nombreuse...!”
L’approche de cet arbre exige un certain nombre de précautions rituelles. On doit s’y rendre de bon matin, à jeûne et, pour enlever ses écorces, on doit se mettre tout un. L’importance de cet arbre et certaines de ces précautions sont évoquées dans le témoignage suivant d’un ngëńgań evuzok :
« D’entre tous les arbres de la forêt, le plus digne de respect est celui que nous appelons ovëń ou esingań, deux noms, un même arbre. Tous les arbres qui peuplent notre forêt reçoivent leur force de celui que nous appelons ovëń ou esingań. Même les Européens s’en servent pour fabriquer de fusils. C’est dans cet arbre où demeurent tous ceux qui meurent et deviennent soit des revenants (bëkon) soit des génies (minkug). C’est ainsi que l’ovëń est le village des revenants et de tous ceux qui voient dans la nuit. C’est lui qui commande tous les arbres de la forêt. Il soigne toutes les maladies. Lorsque le ngëńgań a un malade chez lui, atteint de n’importe quelle maladie, il doit se rendre d’abord là où se dresse un ovëń. En partant, il prend avec lui quelques graines du poivre ndoń. Il se dirige alors vers cet endroit où l’ovëń se lève en solitaire car en effet là où il a un ovëń nul autre arbre pousse dans ses alentours. Une fois arrivés, il s’adresse à Zamba, il lui fait une prière, puis il prend quelques graines du poivre ndoń, il regarde le tronc, d’abord, du côté où se lève le soleil, après, du côté où il se couche. À chaque côté du tronc il mâche quelques graines du ndoń et en s’adressant à l’arbre, il dit:
Oh arbre Bemba ...! [nom secret, nkobo ndimba]
Oh esingań....!
Oh toi qui te dresses sur cette colline...!
J’ai un malade chez moi,
Je t’en prie, si tu veux qu’il soit guéri parle-moi....!
Je ne t’ai pas pris par la force, [formule canonique]
Je ne t’ai pas alléché
Je n’ai t’ai pas volé.
Je viens te prendre grâce à Zamba,
Celui qui a fait que tu sois l’arbre mâle.
Le premier de tous les arbres de la forêt.
Après il mâche les graines et crache sur le tronc; puis il prend une pierre et enlève quelques morceaux de son écorce, d’abord du côté où se lève le soleil, après, du côté où il se couche. Pendant qu’il enlève les écorces, il lui dit ceci : Dites-moi dans quel état se trouve mon malade.
S’il doit mourir, que l’écorce tombe sur son ventre;
S’il doit vivre, qu’elle tombe sur son dos.
Si l’écorce tombe sur son ventre il sait alors que le malade doit mourir et qu’il ne pourra pas le soigner; si au contraire elle tombe sur son dos, il sait alors que ce malade vivra. Il les ramasse et rentre au village pour soigner le malade. Il les fait cuire dans une marmite et après il fait boire cette décoction au malade et en réserve un peu pour lui administrer une purge.
L’arbre qui commande tous les arbres c’est celui-ci: l’esingań. De tous les arbres, c’est avec lui surtout qu’on peut soigner à tous ceux qui, ayant parti au monde nocturne des sorciers, ont été tués dans ce monde-là...
Les écorces de cet arbre sont censées en effet être symboliquement très efficaces pour soigner les malades victimes des sorciers ou de leur propre sorcellerie. C’est ainsi que les ngëńgań les utilisent dans le cadre du rite edu osoe pour traiter les blessures de l’evu, les vers jetés par des sorciers, les accouchements dystociques en rapport avec le pacte akiaè.
L’arbre ovëń est également utilisé dans la préparation des médecines appelées biań que les ngëńgań ou modbiań confectionnent pour obtenir soit des richesses (les biań akuma), une bonne chasse (les biań abutukudu), la fécondité (les biań abie ou ayas), pour protéger les villages contre les sorciers (les abanańa dzal), etc...
L’arbre ovëń joue aussi un grand rôle dans les récits d’initiation des joueurs du harpe-cithare mvet.
Littérature orale : devinette: “Dans la forêt de mon père il y a un arbre que personne ne peut grimper? – L’arbre ovëń”. Chant o devise du jeu d’abia:
Arbre ovëń...!
Tes branches se répandent par tout le pays...!
Arbre ovëń....!
Tes branches se répandent par tout le pays...!
Arbre oveń....!
Impossible d’en trouver deux dans une même
montagne...!
Arbre ovëń...!
Impossible d’en trouver deux dans une même montagne...!
Tu es le seul...! (▼= ebëdëga / Annexe 5, ebug / entrée : abia : 2.01.01./54
Contes: dans un conte publié par ENO-BELINGA, l’arbre ovëń est au centre de l’épreuve que le père d’une jeune fille exige aux prétendants de celle-ci. Tous ces prétendants doivent tenter d’abattre un ovëń. Mais le père qui possède une médecine très puissante (un biań-cisseau reçu de son oncle maternel) rend cette épreuve impossible de réaliser. Grâce à la médiation d’Odimesosolo, l’oiseau qui n’ignore rien du royaume des vivants et du royaume des morts, Abesolo, le héros du compte, parvient à déjouer la médecine du père sur l’arbre et réussit dépasser l’épreuve faisant tomber l’arbre ovëń par terre. Dans une variante recueillie chez les Evuzok, le père de la fille fait couper la tête des prétendants qui échouent et l’enterre au pied de l’arbre ovëń où il plante un ayań.
Mvët: dans les grandes épopées du mvët les joueurs évoquent souvent l’arbre ovëń, soit comme nom de lieu (“ils tinrent une grande réunion à Oveng, lieu secret”; “Medza M’Otuggue suggére que le seul homme capable de juger était Eyegue Zok, fils de Mibui Mi Ntsame Abogo, car lui habitait Oveng...”), soit comme nom de personne (Ovëng Ndoumou Obame...) soit, enfin, pour signaler l’arbre lui-même comme le montrent ces quelques versets du mvët de Zwè Nguéma:
« Le conseil plénier se tint à Ovëng. Akoma Mba dit: “Qu’aucun enfant ne vienne. Nous avons un interdit. Qu’aucune femme n’aille aux plantations”.
Les hommes remplirent Oveng. Tu sais qu’Akoma Mba tourna une grosse manette fixée dans une racine de l’Oveng! Tu vois comme de l’eau en sortit en abondance, glouglou...! Elle se déversa dans une grande cuve en pierre.
Dès que la grande cuve fut remplie, il alla actionner une autre manette dans la racine de l’Oveng. De l’eau en sortit aussi, glouglou, qui se déversa dans une autre grande cuve de pierre. Celle-là aussi fut remplie; il y en eut quatre » (XI, 68-70)
Tu sais qu’Ayang Ndong heurte une racine de l’Oveng. Tu vois comme il monte et tombe dans les branches de l’Oveng, descend par son creux et arrive dans une maison en fer plantée là-bas (XII, 26)
La boule volait... wooo... Tu entends comme la boule va tomber avec Zog Midzi Mi Obame sur l’Oveng. Elle disparut dans la racine de l’Oveng. Le milieu, incurvé, de la plaque de fer s’incrusta dans l’arbre, très fort. Tu vois comme Zong Midzi Mi Obame était collé à l’arbre, comme aplati sur la racine de l’Oveng (XII, 120).
Valeur symbolique: les Evuzok considèrent l’ovëń comme l’arbre des revenants (bëkon), des génies (minkug), et de tous les possesseurs d’evu, sorciers (bëyem) et contre-sorciers (ngëńgań). C’est pour cette raison qu’ils le considèrent comme un arbre “à deux chemins” (nnom ele yabëlë mëzen mëbè), un arbre bénéfique (donneur de richesses, fécondité, prospérité...) mais aussi un arbre dangereux car accessible aux sorciers.